Pierre Lagayette
Published: 2008
Total Pages: 218
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Depuis Aristote, le loisir est un temps " libre ", c'est-à-dire propice à la réflexion ou à la méditation, ce que les Grecs considéraient comme le bien suprême de notre existence. Le loisir, pour des hommes libres, c'est l'occasion de penser leur liberté, de choisir la manière dont il vont assurer le progrès de leur connaissances (y compris la connaissance de soi), alors même qu'ils sont débarrassés des contraintes de la nécessité : le travail et la réussite sociale. Au fil du temps, se sont greffées à celle de loisir les notions de jeu, d'amusement, ou de récréation. La liberté devient ludique dans ce contexte et l'amusement l'expression d'une libre pratique de la vie en société. Activité autrefois réservée à une élite, le loisir a fini par s'insinuer dans l'ordre social, particulièrement en Amérique du Nord, où il voulait être plus égalitaire et, au cours des siècles, il s'est imposé comme l'un des pivots principaux de l'American Way of Life. Mais aux idéaux originels est venue subrepticement se substituer la logique du gain et de la réussite individuelle. A ceux qui penseraient encore le loisir comme un moyen d'élévation culturelle, l'instrumentalisation des loisirs dans une économie dominée par le profit dément cette idée. Qu'il s'agisse de tourisme, de voyages, de parcs d'attraction, ou plus simplement de cinéma ou de gastronomie, tout est prétexte à exalter la valeur financière du loisir par-delà ses valeurs esthétiques ou morales. Transformé en simple bien de consommation, le loisir ne cesse d'interroger les questions d'environnement, d'identité ethnique, ou de genre. A cet égard peut-on encore le considérer comme un facteur de libération sociale ou culturelle ? Crée-t-il les conditions favorables à la mise en œuvre d'un niveau de liberté, individuelle ou collective, plus élevé ? Il reste que le loisir, malgré ses dérives consuméristes n'en tient pas moins une place grandissante dans l'identité des peuples et dans le flux planétaire des cultures. A ce titre, il nous est aussi vital que le travail dont il est l'inévitable complément.